Nous sommes tous des gandhabbas !
Mais qu’est-ce donc qu’un gandhabba ?
Un gandhabba est un corps subtil, non matériel, constitué d’une énergie de vibration trop légère pour être vu ou touché par un être terrestre. Il est intimement relié à une espèce. Il y a donc des gandhabbas de chien, de crocodile, d’abeille, etc. Même si les humains se comportent souvent comme des moutons, des singes ou des cochons,
seul un gandhabba humain peut renaître humain. Hors du corps humain, il est à peu près libre comme l'air, il peut voir, entendre et percevoir astronomiquement mieux et penser beaucoup de choses, mais ne peut ni ressentir physiquement (pas de plaisir charnel, mais pas de douleur, pas de problème de température), ni goûter, ni sentir. Prisonnier dans le terriblement lourd, grossier et limité corps humain, le gandhabba est en quelque sorte la chose qui rend vivant votre corps.
On dit que c’est l’absence d’un objet désiré qui dévoile tout l’attachement qu’on peut éprouver pour lui. Cela est d’autant plus vrai pour un gandhabba. Bien que libre comme l’air et exempt de douleur, ses attachements demeurent, à tel point d’ailleurs que les gandhabbas, paraît-il, languissent de retrouver dès que possible un corps humain afin de pouvoir jouir de nouveau de l’expérience sensorielle procurée par un corps. C’est dire la puissance de l’aveuglement qui englue les humains comme des moucherons. Avec un peu de sagesse, un gandhabba peut être content de se retrouver SDF (Sans Détention de Fardeau).
La durée du gandhabba
Quand un gandhabba humain est formé, il est prévu pour une certaine durée, environ mille ou deux mille ans. Lors d’une renaissance, peu après la conception du fœtus, il prend l’enveloppe d’un corps humain pour mener sa vie humaine. Quand le corps humain meurt, le gandhabba se libère, puis après une période plus ou moins longue (quelques jours à quelques siècles), il reprend naissance dans un autre corps humain, et ainsi de suite, jusqu’à ce que ce gandhabba parvienne à expiration. Ensuite, selon le kamma, soit un nouveau gandhabba (humain ou animal) est formé, soit l’esprit apparaît dans un autre monde, comme chez les devas ou les enfers.
Dans la vastissime soupe du samsāra, il est extrêmement rare et difficile d’obtenir un gandhabba humain.
Ce qui est extrêmement rare, précieux et difficile, ça n’est donc pas de renaître humain une fois acquis un gandhabba humain, mais d'obtenir un bhava humain, c’est-à-dire un gandhabba de "singe parlant".
Petite précision pour les connaisseurs : Quand Bouddha déclare qu’un sotapānna peut renaître encore tout au plus sept "vies" dans les mondes sensoriels, il s’agit en fait de "bhavas" (donc de gandhabbas), ce qui fait encore un beau paquet d’existences (plus d’un millier), sans compter celles, longuissimes, passées chez les brāhmas et bien entendu, tout le temps passé dans salle d’attente des gandhabbas sans corps !
Être doté d’un gandhabba nous assure donc, après la mort, de retrouver une incarnation humaine tant qu’il reste de l’énergie karmique dans la "batterie gandhabbique". Sauf cependant, en cas d’acte extrêmement nuisible. Dans un tel cas, Madame La Mort expédie illico l’esprit dans la grande marmite des enfers et le gandhabba prend fin, sans attendre sa date de péremption.
Les sorties hors du corps
Lors d’une décorporation, c’est-à-dire une "sortie de corps" (durant une EMI, un coma, une séance d’ayahuasca…), consciente ou pas, c’est donc le gandhabba qui sort momentanément du corps. Toutefois, dès que la personne est réveillée, le gandhabba n’a pas le choix ; il est instantanément réintégré dans le corps.
Hors du corps, non soumis aux lois physiques, le gandhabba peut se déplacer à la vitesse de la pensée (donc bien plus vite que la lumière). En revanche, l’esprit qui l’habite garde bien sûr les mêmes croyances et les mêmes attachements. Toutefois, certaines illusions sont – provisoirement – dévoilées, à commencer par le fait que seul le néant se trouverait derrière la mort ou que l’entre deux vies n’existerait pas. Si le gandhabba avait à la base un bon fond, il peut être sensible à la béatitude "céleste", ce qui l’incite à une grande bienveillance.
Pour information, les pouvoirs psychiques développés grâce à la méditation profonde (abiññas) qui permettent la vision à distance n’impliquent pas une décorporation du gandhabba, contrairement à ceux qui permettent de voyager dans les autres mondes.
La méprise du Théravada
C’est une réalité dont Bouddha a bien parlé (certains souttas le prouvent noir sur blanc), mais qui cependant est vigoureusement réfutée par le bouddhisme théravadin, pourtant connu pour être le plus proche des enseignements originels. Pour le coup, les Tibétains sont plus proches de l’enseignement de Bouddha avec leur concept de "bardos". Si vous publiez ce présent article dans un pays bouddhiste fanatique aussi intolérant que la Birmanie, vous finissez à coup sûr derrière les barreaux ! Bien sûr, cela ne concerne que les militaires et les ««« moines »»» de pouvoir, et non la population et les moines de quartier, qui font souvent preuve de qualités humaines exemplaires.
Ce coup-là, c’est moi qui ne vais pas te contredire !
Dans le mettā sutta, que la plupart des bouddhistes connaissent par cœur, Bouddha expose une liste de tous les types d’êtres peuplant l’univers, envers lesquels nous sommes cordialement invités à rayonner notre bienveillance, dont le passage suivant :
- Ceux qui sont nés et ceux qui sont à naître…
Les versions officielles des pays théravadins prétendent que le tout premier instant de conscience d’une vie succède toujours instantanément au dernier instant de conscience de la vie précédente. Or, dans un tel cas, tout le monde serait toujours "déjà né", personne ne serait "à naître". Pourtant, les gandhabbas qui naviguent entre deux incarnations sont bel et bien "à naître" ; ils ont quitté une vie et pas encore intégré la prochaine.
S’il me fallait avancer une hypothèse pour expliquer cette méprise, j’évoquerais simplement les grands méditants capables de visiter leurs existences passées. Ce processus part du présent, puis remonte le temps vers le passé. Et juste avant le début de la gestation d’une de leurs vies, ces méditants voient aussitôt la mort de la précédente. C’est un peu comme si "l’enregistrement" se mettait sur "pause" pendant la période où le gandhabba se retrouve "nu".
Une autre preuve ? Dans un autre soutta, notre cher Bouddha nous explique que la procréation d’un être humain nécessite trois choses :
- Un couple de parents fertiles.
- L’union de ces deux parents.
- Un gandhabba.
Pour faire coïncider le Canon pali avec leur propre version, certains bouddhismes n’ont pas hésité à prêter aux textes anciens les interprétations les plus fantaisistes. C’est ainsi que le terme "gandhabba" est tantôt traduit par "virilité", voire carrément "sperme" (alors qu’il existe un mot pali pour désigner ce dernier). Ces deux interprétations farfelues sont obsolètes puisque déjà incluses dans les deux premières conditions. Et il semble évident que la présence d’un esprit est une condition sine qua non pour une nouvelle naissance, ce qu’est un gandhabba. En effet, tout bouddhiste sait qu’un esprit n’est pas créé spontanément lors d’un accouplement.
Les défunts
Et que dire des innombrables témoignages d’EMI, où les "revenus de l’au-delà" donnent presque toujours les mêmes détails sur leurs rencontres avec leurs défunts ?
Parce que oui, les défunts qui accueillent leurs proches expérimentant une EMI sont ni plus ni moins des gandhabbas désincarnés, en attente d’un nouveau corps. Quoi d’autre, sinon ? Des devas ? Probablement pas ! Ces derniers s’intéressent très rarement aux humains, et plutôt à ceux qui ont développé une méditation et une vertu exceptionnelles.
Les défunts qui flottent entre deux vies, du fait qu’ils déambulent dans l’au-delà, ont naturellement une vision claire de l’après-mort (qu’ils oublieront à leur prochaine naissance comme nous l’avons nous-même oublié). Libérés – momentanément – de leur corps grossier et douloureux d’humain, ils peuvent bénéficier d’un recul éclairé sur la vie humaine et ses nombreux tracas et certains ont la bienveillance facile, mais ce ne sont pas des sages pour autant. Le statut de gandhabba sans corps ne confère pas une compréhension correcte de la réalité, ils interprètent donc les choses selon leurs propres croyances. Ils ne savent peut-être pas où ils vont renaître, et éventuellement pas même qu’ils vont renaître. Certains d’entre eux perçoivent probablement comme l’antichambre du Paradis ce qui n’est qu’une simple porte d’embarquement vers d’autres destinations.
Des humains sans corps humain
Les gandhabbas humains sont avant tout des ex-humains. Par conséquent, certains sont aimables, d’autres hostiles. Les gentils seront alors très accueillants, mais ceux qui auront cultivé haine et colère continueront, dès la mort du corps humain, de nourrir des états d’esprits nocifs. Ceux tombés sur les champs de bataille, par exemple, poursuivront la guerre avec leurs gandhabbas ennemis, à l’aide d’attaques psychiques, les sens physiques n’étant plus impliqués.
Vous l’aurez compris, un gandhabba n’est pas grand-chose de plus qu’un humain sans corps physique. Et d’ailleurs, les gandhabbas ne vivent pas dans une sphère céleste à part, mais parmi les humains. Beaucoup nous observent vivre, et pas seulement nos proches disparus. Si vous n’appréciez pas la solitude, soyez rassuré : vous n’êtes jamais seul !
Nombre de vies
En dehors de la méditation profonde bouddhique, ceux qui bénéficient d’un aperçu de leurs existences passées, constatent tout au plus 100 ou 150 vies, toutes humaines qui plus est. En général, ils pensent qu’il s’agit là de l’intégralité, et qu’ils n’ont donc jamais été un animal ou dans d’autres mondes. Or, d’après les écritures bouddhiques originelles, nous renaissons dans des mondes inférieurs et supérieurs, et ce, depuis des temps incalculables (certainement bien plus que 1 milliard à la puissance 10 de vies). Cette vision très limitée est probablement due à ce qu’ils accèdent seulement aux vies couvertes par leur gandhabba présent. Pour voir plus loin dans ses vies, il faut passer par les jhānas.
Dans la plupart des traditions religieuses, le gandhabba est pris pour une "âme", bien qu’il soit pourtant impermanent, conditionné pour durer un temps très éphémère comparé au nombre vertigineux de nos existences.
Pendant notre sommeil
Le saviez-vous ? Pendant notre sommeil, nous faisons tous – inconsciemment – l’expérience de la décorporation. En phase de rêve, notre gandhabba gambade ! Il sort du corps endormi et rôde dans les environs : dans la maison, sur la maison, dans le quartier, etc. Mais pour presque tout le monde, c’est inconscient et amalgamé avec les rêves. Pour le dormeur, rien ne diffère d’un simple rêve.
Nous devons alors participer malgré nous à de drôles de soirées durant nos nuits ; un mélange de gandhabbas dormeurs, de gandhabbas défunts et de fantômes en tout genre. Ces derniers sont des "esprits avides", que les textes bouddhiques nomment des petas et qui résultent d’attachements trop forts. Des humains déchus, en quelque sorte. D’ailleurs, les bouddhistes théravadins (ceux qui considèrent le gandhabba comme une vulgaire semence) qui ont la capacité de voir les gandhabbas les prennent pour des petas ! Des fantômes étonnamment élégants puisqu’ils sont connus pour être d’une laideur plus repoussante que le plus mal formé des humains, tandis que les gandhabbas se présentent sous leur plus belle apparence, une allure furieusement bien retouchée du meilleur de leur dernier corps humain.