isi et maintenant

13 mars 25

Sauter sans parachute

Voici exactement comment je me sens, ces jours-ci :

Métaphore
Je me trouve dans un avion qui vole à haute altitude. Un simple sac au dos, je m’apprête à sauter dans le vide. Pendant la chute, je verrai si je peux trouver un moyen d’éviter le crash : obtenir un parachute, parvenir à devenir léger comme l’air, tomber dans un grand filet…

Je peux sauter vers cette terre naturelle, ou rester dans l’avion qui atterrira dans une cité grise.

Je choisis de sauter.

Mon brave et bienfaiteur cousin m’a offert un billet de train pour Milan, départ dans dix jours (le 23, date jusqu’à laquelle on me prête le mini appartement dans lequel je me trouve aujourd’hui), sans le moindre sou en poche. C’est donc d’un train que je sauterai dans le vide ! Une belle opportunité de mettre en pratique mon italien (encore un peu rudimentaire) pour quelques jours. De là, direction le Tessin (le canton italophone de la Suisse), à pied.

J’ai l’intention de m’installer dans cette région sauvage au climat plus clément que le reste de la Suisse. Une fois que j’aurais réussi à m’inscrire à l’administration tessinoise, ce ne devrait plus être trop difficile de se débrouiller. Mais d’ici là, j’ignore si je vais trouver un "parachute". Je n’ai pas encore trouvé une seule personne pour m’accueillir dans ce canton, en dépit de mes nombreuses demandes sur un site d’hébergement de voyageurs.

En Birmanie, c’est presque "trop facile" ; où que vous arriviez, tout le monde vous accueille avec un grand sourire. De façon générale, dans un pays pauvre, les gens sont bien plus proches de la réalité. Ainsi, même sans un sou, vous ne manquez jamais d’un toit ni de nourriture. Il y a comme une loi naturelle qui fait que plus une population possède de biens et d’argent, plus elle est méfiante et moins elle partage. L’avantage, dans un lieu où personne n’ouvre sa porte, si vous n’avez rien, votre pratique de renoncement ne peut être qu’authentique. Vous ne pouvez pas faire semblant, comme tant de ces individus qui portent une robe monastique et qui sont choyés comme des princes.

Kassinou le détracteur
Décidément, tu ne peux donc pas t’empêcher de critiquer les moines ?

Je ne critique pas les moines authentiques, seulement ceux qui se prennent pour des moines – alors qu’ils ne font que porter un déguisement de moine –, abusant ainsi dangereusement de l’admiration – souvent aveugle, il faut le reconnaître – des bienfaiteurs.

Dans le choix qui s’offre à moi, d’aucuns y verraient un dilemme : se plonger démuni de tout dans les affres de l’indigence, dans une région inconnue, pour tenter de s’y installer à partir de rien, ou rester emprisonné dans une grande ville où un renonçant n’est pas à sa place.

À propos d’emprisonnement, lorsque j’étais incarcéré, en Birmanie (initialement pour 12 ans), j’avais parfois cette pensée :

  • Bien qu’à peu près nourri et logé, mieux vaut se retrouver à la rue, mais libre (même dans un pays à l’hospitalité timide), que dans cette prison sans savoir combien d’années je devrais y demeurer.

Je le crois encore, quand bien même je parvenais à me sentir à peu près à l’aise dans cette prison. Même si je dois faire face à de rudes difficultés, ça ne devrait pas dépasser quelques semaines, au pire.

Pour un renonçant, ce dilemme présenté plus haut n’en est pas vraiment un, car le renonçant demeure dans l’instant et n’a pas d’attentes, il va donc toujours où le vent le pousse sans se soucier d’éventuelles difficultés que de toute façon personne ne peut prévoir. Et justement, à moins d’avoir les moyens de réserver hôtels et restaurants, on est face à du complet inattendu. Il est impossible de prédire la moindre des opportunités (ni où, ni quand, ni comment).

Et puisqu’il est parfaitement inutile de faire des suppositions et de perdre du temps à réfléchir dans le vide, le seul – et de loin le meilleur – investissement qui puisse être fait est de continuer à maintenir son esprit dans de favorables dispositions (voir l’encadré "Petit rappel" du post précédent).

Si je pense à ce futur proche, seules des craintes apparaissent, alors à quoi bon ? Même si je fais confiance en ma belle étoile, ou plus exactement en cette protection universelle naturelle qui prend soin des esprits sincères et relativement dépourvus d’attentes, j’ai quand même bien la frousse ! C’est que la seule fois où je me suis retrouvé dans le Tessin sans hôte pour m’héberger, j’avais passé la nuit dehors, sous un escalier et par temps pluvieux. Et la nuit, il fait encore bien froid dehors ! Je sais toutefois que l’important est de savoir rester confiant. Les anges donnent toujours un parachute aux hommes tombant du ciel qui ne méritent pas de s’écraser. Il n’y a espérer qu’ils ne soient pas en grève !

Il est temps pour moi de vivre plus près de la campagne. Si je dois mettre en œuvre tout ce qu’il faut pour y parvenir (trouver d’abord de l’argent, un appartement à louer…), cela m’est totalement inaccessible. Le seul moyen pour moi est de me rendre directement là où je pense me sentir à ma place – bien que j’ai souvent, je dois l’avouer, le sentiment d’avoir nulle part ma place dans ce monde.

Kassinou le détracteur
Un sage ne dirait jamais cela ! Le pire, c’est que tu ressasses toi-même que dans l’Univers, tout est toujours parfaitement à sa place !

Tu ne devais pas faire ta sieste, toi ? Et puis d’abord, qui t’as dit que j’étais un sage ?

Je disais donc… Il me faut directement aller là où il me semble convenable de résider, et de "mettre mon karma devant le fait accompli", l’obligeant à se débrouiller pour me trouver un peu d’espace pour mes nouvelles racines.

De toute façon, je n’ai pas le choix. Et c’est quand on manque de tout qu’on peut développer les nobles qualités du renoncement dans les meilleures conditions !

Suggestion :

11 mars 25

Ceux qui ne font que parler culture ne récoltent rien !

Vous êtes lassés des érudits pédants qui vous noient dans des théories imbuvables ? Des perroquets qui ont appris par cœur leurs leçons philosophiques (ou qui maîtrisent l’art du copier-coller) ? Des aveugles qui vous baladent sur des chemins sans issue, empêtrés dans leurs illusions et émotions ? Je ne suis ni (plus) moine, ni diplômé, ni même Éveillé, mais je tente à travers ces petits articles de vous donner ce que je peine à trouver (en ligne ou ailleurs) : une vision aussi concrète que possible sur ce que chacun peut cultiver au quotidien pour s’élever vers ce qu’on peut appeler au sens large l’accomplissement spirituel.

Petit rappel
Pour préparer au mieux son esprit à l’Accomplissement, il convient de s’entraîner diligemment :
  • au détachement
  • à demeurer vigilant à l’instant présent
  • à accepter chaque situation telle qu’elle se présente
  • à cultiver une bienveillance pleine envers n’importe qui
  • à rester sans aucune attente
Kassinou le détracteur
Bien plus fastoche à dire qu’à faire !

Oui, très juste mon cher Kassinou ! Mais ces qualités sont cependant diablement efficaces. Pas seulement pour progresser efficacement vers l’Éveil, mais aussi pour vivre sans aucun tracas et se sentir satisfait, même sans rien. Elles sont même – et de très loin – le meilleur remède à tous les problèmes humains. Ce qui est certain aussi, c’est que plus on s’entraîne à développer ces qualités, plus cela devient facile – voire naturel –, et plus elles deviennent puissantes.

Plaisant ou pas, confortable ou pas, facile ou pas, seul le fait de vivre le renoncement de façon authentique vous sera bénéfique, à long terme et à court terme.

Tout cela nous amène à ma très prochaine aventure, dont la préparation financière est réduite à zéro, et où tout sera misé sur la préparation intérieure. Ce sera l’objet de mon prochain post.

Suggestions :

*matériellement et intellectuellement

5 mars 25

Un "bon karma", c’est quoi ?

En birman, le mot "chance" – synonyme de "hasard" – n’existe pas. Imprégnée du bouddhisme, la langue birmane considère le fait que tout est dû au karma (kamma). Ainsi, pour dire « Tu as de la chance ! », on dira : « Tu as un bon karma ! »

La question reste toutefois de savoir qu’est-ce qu’un "bon karma" ?

Pour bien plus de 99 % des gens – y compris les bouddhistes –, un "bon karma" est un événement plaisant, une situation confortable, une "bonne fortune" : décrocher un poste fortement rémunéré, rencontrer une personne d’une grande gentillesse et d’une remarquable beauté, vivre dans un somptueux palace… Cependant, pour à peine plus que 0 % des gens – bouddhistes ou non –, avoir un "bon karma" a une tout autre signification.

Tout est une question de durée de terme. Ainsi, si le bon karma à court terme est vu comme un agrément ou une réjouissance, le bon karma à long terme est plutôt perçu comme un accomplissement spirituel, voire une Délivrance définitive de toute forme de souffrance, de tout "mauvais karma", justement ! Et un "bon karma" (à court terme) est loin d’être la fin des "mauvais karmas" ; au contraire, ce dernier est souvent la conséquence du premier. Exemple typique : on s’attache à une personne parce qu’elle nous apporte beaucoup de plaisir, puis lorsqu’on s’en retrouve séparé, on souffre de son manque.

Remarque : Le karma n’est pas une chose que l’on chercherait à "améliorer" ou à "accumuler". C’est juste une façon de désigner un état général plus ou moins bénéfique de conditions matérielles et mentales, résultant d’actes physiques, verbaux et mentaux.

Qui aura une vision à long terme du karma verra donc comme "bon karma" toute condition favorisant une progression efficace vers la Libération spirituelle. Et comme chaque individu aspirant au renoncement le sait, les difficultés, les obstacles de toute sorte et la Pauvreté (au sens religieux du terme, non au sens de misère) constituent généralement un conditionnement bien plus propice au développement de la Paix intérieure que les situations de plaisir et de confort. La facilité et les joies de la richesse matérielle incitent bien plus à la distraction et à l’aveuglement qu’à la présence vigilante de l’esprit et à l’introspection intérieure.

Kassinou le détracteur
Donc d’après toi, mieux vaut l’avoir dans l’os que de trouver un bel os ?

Je dirais plutôt : mieux vaut apprendre à se satisfaire de petits os que de trouver une fois un bel os. Le bon karma à long terme ne signifie pas pâtir d’une accumulation de problèmes, mais de bénéficier de situations opportunes au développement de la compréhension correcte des choses. Et selon moi, le "karma souhaitable" ne se limite pas à une suite de conditionnements propices, il se définit aussi par sa capacité à l’accroissement de la sagesse libératrice.

Suggestions :

1er mars 25

C’est toujours de ta faute si tu t’énerves !

Si l’on souhaite vivre paisiblement, il y a une chose qu’il importe de bien comprendre : les gens énervants n’existent pas. Lorsqu’on se sent agacé par quelqu’un, ce n’est en réalité qu’une partie de soi qui nous agace ! Le discours de l’autre nous irrite uniquement à cause de nos propres attachements, de nos principes, de nos vues.

Qui n’a plus d’attachements ne peut plus être exaspéré – ni même contrarié – par qui que ce soit. En effet, un tel être libre accepte tout un chacun pleinement tel qu’il est. Nous devrions considérer le fait que les propos d’autrui ne nous atteignent jamais. Ils s’arrêtent toujours à la frontière de notre esprit. Si nous nous sentons affectés, c’est seulement parce que nous les absorbons ; c’est nous qui les faisons pénétrer en nous. Si les propos d’une personne ne nous conviennent pas, il suffit de mettre gentiment un terme à la conversation, voire d’ignorer ces propos, c’est aussi simple que cela.

Trois éléments tournent en cercle vertueux, l’un nourrissant les autres.

  • Facilité d’acceptation des propos d’autrui avec équanimité.
  • Détachement face à la croyance de l’autre.
  • Sérénité intérieure, comme la montagne qui se laisse rudoyer par toutes sortes d’intempéries sans jamais réagir.
Kassinou le détracteur
Et si on t’insulte, la montagne devient un volcan hyperactif, c’est ça ?

Certainement pas, pourquoi ça ? C’est avec de l’eau qu’on éteint un feu, pas avec une grenade ! Et le plus souvent, un petit feu s’éteint de lui-même. Quand une insulte est lâchée, il suffit de la laisser tomber d’elle-même. Elle fondra au sol comme un flocon de neige. Se fâcher est déjà une façon d’approuver l’insulte. Quand on ne s’accroche pas aux choses, on voit bien que les paroles n’appartiennent qu’à ceux qui les formulent. Ce n’est qu’en réagissant que l’on s’accapare les propos négatifs des autres. Bien sûr, les insultes constituent un acte nuisible, mais le fait d’y réagir ne fait qu’en ajouter un de plus.

Le Bouddha nous a recommandé de pratiquer la parole juste. N’oublions pas de pratiquer également la réaction juste.

Suggestion :

15 fév. 25

Ma prison intérieure

Mon livre (sur mon expérience carcérale physique et mentale) est disponible.

Vous allez découvrir la période la plus fascinante et la plus enrichissante de ma vie, une vie censée être seulement paisible et monastique…

Vous allez découvrir comment, avec une petite Birmane de 12 ans, nous sommes devenus célèbres dans toute la Birmanie, ainsi que l’histoire du long-métrage que j’ai écrit et que nous avons réalisé.

Et surtout, pourquoi et comment j’ai été arrêté et séquestré par des officiers militaires dans une Birmanie imprévisible.

Kassinou le détracteur
Un ascète soit disant irréprochable sur ses préceptes qui fait de la taule ? On aura tout vu !

Hé oui, mon cher Kassinou, on voit vraiment de tout, dans notre monde ! Et pour tout dire, même derrière les barreaux, avec parfois les chaînes aux chevilles, je me sentais bien moins prisonnier que le directeur de la prison !

Mais je t’en prie, ne fais pas comme ceux qui m’ont emprisonné sans rien chercher à comprendre. Découvre plutôt ce qui s’est passé. Si tu as le wi-fi dans ta niche, tu peux télécharger mon bouquin en PDF ou en EPUB.

vers le livre
Pour lire le livre, rendez-vous sur cette page :

    Ma prison intérieure

(Résumé, téléchargement…)

Suggestion :

http://isiblog.fr/ma-prison-interieure-isi-dhamma.htm

11 fév. 25

Vous êtes toujours seul(e) dans la méditation

Comme les moutons qui préfèrent rester ensemble, la majorité des gens qui méditent préfèrent le faire en groupe. Ainsi, de nos jours, dans les centres de méditation, la plupart des méditants s’assoient tous ensemble dans une grande salle de méditation.

Cependant, lorsque nous nous absorbons pleinement dans la méditation, ce qui nous entoure disparaît totalement du champ de notre conscience. Nous ignorons tout, nous lâchons tout, nous oublions tout pour nous focaliser à l’intérieur de nous. La méditation n’a toujours et ne sera toujours qu’une affaire personnelle. Plus un méditant sérieux bénéficie de tranquillité, de solitude, d’isolement, plus il est satisfait.

Parmi les nombreux suttas et histoires se déroulant au temps du Bouddha que vous avez déjà lues ou entendues, avez-vous souvenir d’un seul exemple de disciples du Bouddha — moines ou laïcs — méditant tous ensemble dans un même espace ? Ils se groupaient pour venir entendre la parole du Bienheureux, mais chacun cultivait le samàdhi sous son arbre, dans sa hutte, dans son coin.

Personnellement, je médite toujours seul. Je perçois la méditation groupée (que je me suis tout de même forcé à essayer quelques fois) comme une gêne autant pour moi que pour les autres : je n’ose pas tousser ou faire du bruit en quittant la salle, ni n’apprécie d’entendre ou de ressentir la présence de nombreuses personnes autour de moi, sachant que dans le lot, il y en a toujours qui, au lieu de méditer, passent leur temps à arranger leur moustiquaire, arranger leurs coussins ou manipuler je ne sais quoi.

La méditation groupée peut toutefois présenter un avantage, plus particu­lièrement pour les moins motivés. Imaginez dix méditants peu établis dans leur pratique. Chacun médite dans sa chambre. En moyenne, au bout d’un quart d’heure, chacun abandonne. Le lendemain, à la même heure, ils méditent tous dans la même salle. Chaque fois que l’un d’eux tend à se relâcher, voyant autour de lui les neuf autres immobiles qui semblent en pleine méditation, il sent une pulsion de détermination qui le pousse à poursuivre son assise vigilante avec entrain, jusqu’au terme de la séance. Certaines personnes peuvent également être sensibles à la synergie de groupe et ainsi y trouver une certaine motivation et énergie.

Kassinou le détracteur
La synergie de groupe ? La singerie de groupe, tu veux dire ! Mis ensemble, les méditants font les imbéciles et ne font que bavarder et prendre du bon temps ! Alors que seul, un méditant n’a le choix qu’entre l’ennui ou la méditation, donc il pratique plus volontiers.

Là, je dois admettre que tu ne dis pas que des bêtises, Kassinou, mais la majorité des méditants sont tout de même des individus plutôt sérieux. Et toi, si tu observais ton esprit aussi bien que tu observes les méditants, tu en ferais certainement partie des plus sérieux d’entre eux !

Suggestions :

1er fév. 25

À quoi ça sert de renoncer ?

Le renoncement, c’est tellement mieux que ce que vous croyez ! Pour mieux saisir de quoi il s’agit, commençons par une métaphore :

Métaphore

Imaginez un mouton dont les quatre pattes sont attachées à l’aide de cordes. De la sorte, il ne peut aller nulle part. Même s’il se retrouve en partie détaché, tant que subsiste ne serait-ce qu’une seule patte attachée, l’ovidé reste condamné à rester sur place. Si plus aucune corde ne l’attache, il sera libre de vaquer où bon lui semble. Pour l’esprit, c’est exactement la même chose. Tant qu’il subsiste un atta­chement, l’esprit n’est pas libre.

Comment se défaire des attachements ?

Je vois 2 façons : l’observation et l’éloignement.

L’observation.

Imaginez que notre mouton s’aperçoit qu’à proximité broute un troupeau de superbes brebis à la laine soyeuse. Émoustillé à l’idée de les inviter à une "séance de gymnastique", il tirera sur la corde. Mais plus il tirera fort et plus il se fera mal. Plus l’attache se resserrera, plus il souffrira.

Maintenant, si le mouton observe le nœud, il verra que celui-ci se sert lorsqu’il tire et au contraire, qu’il tend à se défaire s’il ne tire pas. Comprenant cela, si l’odeur des brebis ne pousse plus notre sage mouton à basculer dans la prison des illusions, il demeurera paisible.

L’éloignement

Imaginons que nous éloignons toutes les femelles de notre cher ami laineux. L’objet suscitant son excitation ayant disparu, il finira même par ne plus y songer. De la même façon, l’esprit éloigné des objets de ses désirs aura, avec le temps, de moins en moins d’oppor­tunités de s’y attacher.

Le renoncement est un cercle vertueux. Plus l’esprit est accoutumé à l’éloignement d’une chose, moins il y sera sensible si cette chose apparaît. À condition toutefois que cet éloignement soit suffi­sam­ment long. Au début, il y a la phase de manque, mais après un certain temps, s’il n’est pas stimulé d’une façon ou d’une autre, l’attachement finit par s’estomper, comme la cicatrisation d’une plaie.

Conclusion

Ainsi, un esprit raisonnable qui aspire sincèrement à se libérer, tendra naturellement à se défaire peu à peu de tous les atta­chements qui font obstacle à sa tranquillité, à sa liberté intérieure.

Kassinou fait de l’esprit
Le mouton dit :
« Désolé, ma bêle, mais rien ne sert plus de m’attondre ! »

On fait dans le comique, maintenant ? Et c’est toi qui me traites de bouffon ?

Kassinou tente d’argumenter
Il paraît que l’humour est un chausse-pied de la sagesse !

Oui, mais sans chaussure, un chausse-pied ne sert pas à grand-chose !

Si on savait le soulagement qu’apporte le fait de renoncer, plus personne n’hésiterait plus à renoncer sur-le-champ. C’est à cela que sert le renoncement : à éviter de succomber aux attachements, à se défaire de ce qui encombre l’esprit, et à terme, à se soustraire de tout conditionnement.

Suggestions :

30 jan. 25

Puisse la pluie tomber vers le haut !

Ce blog est rempli d’incitations à la pratique du renoncement et de la vision directe (donc correcte) des choses. Vous n’êtes guère plus d’une quinzaine de personnes à le consulter. Je viens de publier une vidéo humoristique (pas en français) sur TikTok : plus de 300 000 vues en deux jours.

Kassinou le détracteur
Tu fais le bouffon et en plus, tu t’en vantes !

Le rire est excellent pour la santé, Kassinou ! Et l’humour est le chausse-pied de la sagesse ! :Þ

La libération de l’esprit, qui devrait être la priorité absolue de tout un chacun, ne suscite l’intérêt que d’une part infime de la population. Le Bouddha disait bien qu’à leur mort, seuls de très rares humains bénéficient d’une renaissance favorable, tandis que la très grosse majorité rejoint les sphères inférieures. Pour bien renaître, la gentillesse ne suffit hélas pas, faut-il encore réduire au mieux ses attachements et ses vues erronées.

C’est triste, mais exhorter les gens à emprunter le Chemin de la Délivrance est plus ardu que de demander à la pluie de tomber vers le haut.

Suggestion :

27 jan. 25

La vieille sandale

Laissez-moi vous raconter une anecdote. Ça se passe en Birmanie, dans un centre de méditation. Pour entrer dans la salle à manger – dans laquelle nous mangions assis par terre –, nous devions retirer nos sandales. À l’endroit où je retirai les miennes, j’en vis une toute seule, une vieille sandale abandonnée.

  • Ils vont bien finir par jeter cette vieille sandale abandonnée qui ne sert plus à personne, me dis-je alors.

Ce n’est pas qu’elle prenait tant de place, mais je dois admettre que c’est mon regard qui fut gêné. Un attachement certain à l’esthétique, aux choses bien ordonnées.

Les jours passèrent et la sandale était toujours là. Évidemment, ça n’était pas un Birman qui se chargerait de la mettre aux déchets. Ici, la tendance est au tout laisser aller. Si un fil électrique se décrochait et pendait trop bas, tout le monde se résignât à passer en dessous en se baissant, encore et encore, sans que quiconque n’eût l’idée de le refixer. Sur bien des téléviseurs perdure l’étiquette de la marque, collée sur l’écran, telle une publicité intempestive persistante pendant la diffusion des films. Il m’est même arrivé d’être invité à manger de la soupe avec une cuillère dans laquelle était encore collée l’étiquette du prix.

En tous les cas, cette sandale solitaire semblait me narguer. Agacé par cette célibataire au milieu d’une belle rangée de couples, je pris une décision.

  • Si demain, elle est encore là, je la jetterai moi-même !

Le jour suivant, elle était toujours là, à me faire de l’œil. Je déchaussai mes sandales près d’elle, et entrai pour prendre tranquillement mon déjeuner. Il n’y avait plus d’hésitation à avoir. Aussitôt que je sortirais, je la saisirais et la balancerais de toutes mes forces dans le bois voisin, afin d’être assuré de ne plus jamais revoir son vieux et laid cuir craquelé.

Quand je sortis de la salle à manger, je vis un méditant qui venait d’achever son repas. C’était un unijambiste. À l’aide de ses béquilles, il s’avança et enfila sa sandale solitaire.

Kassinou rouspète
Et après, quand une sandale disparaît, on accuse les chiens !

Ces petites situations qui nous arrivent à tous sont pour moi nos plus grands enseignants de la vie. Sauf pour nous investir dans une retraite de méditation, nous n’avons nullement besoin de regagner un monastère. La vie se charge de nous apprendre ce qu’il nous faut savoir.

Une vieille sandale m’aura donc enseigné qu’il vaut mieux éviter de faire des suppositions. En dépit de nos certitudes, nous ne connaissons jamais la vraie raison des choses. Ce qui parfois peut nous contrarier a sa raison d’être, comme chaque chose en cet univers. Les grands sages affirment même que le monde est parfait tel qu’il est, que tout est magnifiquement à sa place.

C’est pour cette raison que le plus noble des comportements est l’immobilité intérieure. Le meilleur des actes est l’absence d’acte. La dernière passerelle pour la libération de l’esprit, c’est la paix complète. Le plein respect des choses telles qu’elles sont, n’est-il pas ce qu’on appelle l’équanimité ?

Suggestion :

23 jan. 25

Ce qui n’est pas le chemin

Pour parvenir au plein Accomplissement, il n’y a rien à faire, seulement des choses à ne pas faire.

Kassinou le détracteur
Je passe tellement de temps à ne rien faire que dans ce cas-là, depuis le temps, je suis largement accompli !

Hé non, Kassinou ! Quand tu flemmardes dans ta niche, ta torpeur et tes micro-actions masquent totalement la vision juste des choses.

Basées sur mon expérience, mes réflexions m’amènent à constater la chose suivante : nous ne pouvons jamais comprendre ce qu’il convient de faire pour progresser sur la Voie, pour se défaire des conditionnements. Nous pouvons seulement comprendre ce qu’il faut éviter. Le savoir ne suffit pas, l’esprit doit expérimenter par lui-même pour valider, même si le mental est tout disposé à faire confiance. La foi aveugle, ça ne marche pas !

Ainsi, à travers l’expérience de l’existence, ce n’est qu’à force de découvrir ce qui n’est pas la Voie, d’observer nos erreurs afin de les comprendre, qu’il nous est possible de nous rapprocher peu à peu de la Libération de l’esprit.

Imaginez qu’un maître de méditation déclare à Isidore et Clémentine qu’il suffit de garder l’attention sur le souffle pour entrer en méditation profonde. Tous deux obéissent au maître, mais seule Clémentine entre en samàdhi, tandis qu’Isidore se laisse distraire et finit par s’endormir. On voit clairement ici qu’il ne suffit pas de "savoir quoi faire". Si Clémentine a plus de succès dans sa méditation, c’est simplement parce que son esprit a l’expérience de toutes les choses à ne pas faire qui empêchent l’absorption en méditation.

C’est pourquoi plus vous vivrez des expériences qui vous montrent ce qui n’est pas la Voie, plus vous vous retrouverez naturellement avancé(e) sur la Voie, sans rien avoir à faire.

Métaphore
Vous êtes sur un navire en pleine mer, avec 50 personnes que vous connaissez bien. Vous apercevez au loin une personne tomber à la mer, mais vous ne parvenez pas à l’identifier.

C’est à force de croiser les occupants de l’embarcation, de voir ceux qui ne sont pas la personne passée par-dessus bord, que vous vous rapprocherez de la vérité. Une fois vu la 49e personne, vous ne pourrez plus avoir de doute. Ce n’est qu’en sachant qui n’est pas tombé que vous pouvez savoir qui est tombé.

Nous procédons en quelque sorte par élimination. Ce n’est donc qu’à force d’assimiler tout ce qui n’est pas la Voie que peu à peu, il nous est possible de comprendre ce qui "est" la Voie.

Suggestion :

9 jan. 25

La vraie richesse

Selon vous, quelle est la plus grande des richesses ? L’argent ? L’or ? Le bétail ? Les terres ? Les data ? La famille ? Les relations sociales ? L’amour ? Le bonheur ?

Pour moi, rien ne vaut plus que le temps libre. Tout milliardaire qu’il peut être, un individu qui n’a jamais le temps me semble bien pauvre. Prisonnier de ses occupations, il n’a jamais la liberté de faire ce qu’il veut, ou de ne rien faire. Qui a tout son temps est un grand maître. Le monde est à lui, toutes les opportunités s’offrent à lui. Je ne vois rien qui puisse être plus précieux que le temps vacant.

L’esprit non entraîné fuit le temps vacant, car il le considère comme une perte de temps. Pourtant, c’est tout l’inverse ; c’est le temps rempli qui est perdu. L’esprit aveugle a tellement l’habitude de masquer tout son temps par des activités qu’il voit l’absence d’activité comme un ennui. Cet ennui n’est créé que par sa crainte du manque d’activité. S’il accueillait simplement le temps vacant comme un repos de l’esprit, comme un congé de la pensée, il pourrait découvrir un bonheur plus grand que tous ceux qu’il a connu.

Quand notre esprit est accaparé par toutes sortes d’actions, de perceptions ou de réflexions, il n’a conscience ni de lui-même, ni de ce qu’il expérimente. Il est seulement absorbé par l’illusion de ses interprétations mentales.

Par contre, quand notre esprit est vacant, totalement ouvert et disponible, il dispose de toute sa vigilance pour appréhender en pleine conscience tout ce qui se présente à lui. Selon moi, la véritable liberté, c’est de disposer de temps vacant. Il revient donc au même de dire que la liberté est la plus grande des richesses.

Kassinou le détracteur
Tu me fais bien rire, avec tes belles paroles ! Tu passes la journée devant ton ordi !

Qu’est-ce que tu fous là, toi ? J’écris un bouquin, je te signale !

Suggestion :

1er jan. 25

Meilleurs vœux

Recevez mes bons et bienveillants vœux… pour ce nouvel instant !

Suggestion :